Les notes d’observation en psychiatrie : entre rigueur et relation thérapeutique
Publié le 2025-02-26
J’ai toujours eu un intérêt particulier pour la documentation clinique, tant dans sa dimension générale que dans son application spécifique en santé mentale. Au fil des divers rôles que j’ai occupés dans le réseau de la santé, j’ai pu mesurer l’importance des notes d’observation, souvent sous-estimées par les infirmières sur le terrain. Pourtant, leur valeur devient indéniable lorsqu’il s’agit d’analyser des événements indésirables et d’assurer une traçabilité des soins.
« On écrit pour rien »
De nombreux professionnels ont l’impression que le temps passé à documenter – stylo en main ou derrière un écran – est une tâche peu valorisée. Cette perception s’explique en partie par la fragmentation des communications entre disciplines : alors que le personnel infirmier consulte régulièrement les notes médicales, l’inverse est moins fréquent. Résultat : un sentiment que les efforts documentaires sont peu utiles et que le travail en silo persiste dans les unités de soins. De plus, la documentation manuscrite est peut-être accessible, mais elle est peu pratique pour l’archivage et pour cibler rapidement de l’information.
La perception des patients : un angle souvent négligé
Au fil des années, j’ai eu de nombreuses discussions sur la documentation avec des collègues de différentes disciplines (soins infirmiers, travail social, éducation spécialisée, etc.). Pourtant, jamais je n’ai eu l’occasion d’échanger directement avec un patient sur la manière dont il perçoit ces notes.
Heureusement, en 2017, une étude norvégienne 🇳🇴 a donné la parole aux usagers à travers des questionnaires et entrevues. Les conclusions qui en ressortent sont, à mon avis, frappantes.
Une documentation neutre et objective qui dénature la relation soignant-patient
Une des remarques émise par des participants à la lecture d’une note infirmière mentionnait que la nature neutre et objective des notes d’observations rend les faits rapportés comme stériles et parfois sans contexte.
Cette conclusion m’a fait sourire, car j’ai souvent croisé des notes similaires :
« Patient agité. Agressif verbalement et physiquement. Propos injurieux envers moi et ma collègue. Agents de sécurité appelés. Pacification tentée… »
Ces descriptions, bien que factuelles, réduisent l’expérience du patient à une série d’actions et de réactions. Certes, en santé mentale, certaines notes doivent être détaillées et précises, mais il est important de documenter le pourquoi et pas seulement le comment. Il est aussi primordial de demeurer empathique et de se rappeler : « est-ce que je réagirais de la sorte si j’étais dans la même situation ? ». Et, surtout…, surtout…, ne pas stigmatiser 🛑!
Une posture d’expert qui ne favorise pas la relation égalitaire
Une autre conclusion est que les modèles actuels de documentation placent l’infirmière en position d’expert, plutôt que dans une relation de collaboration avec l’usager.
Ici, je déborderai du contexte de l’étude pour mentionner que l’évaluation de la condition mentale est souvent abordée comme une simple « check-list » dans les établissements de santé. Si ce type de note structurée permet une uniformisation des évaluations, elle risque, en contre-partie, de rigidifier la démarche clinique et la rendre plus stérile. Je fais partie de ceux qui croient que la documentation infirmière doit aller au-delà d’un cadre standardisé, pour capturer la complexité et la subjectivité de l’expérience patient.
Les conclusions de cette étude peut nous amener à réfléchir sur la nature de la documentation en psychiatrie, et dans la profession infirmière en général! Elle ne devrait pas être une simple trace écrite d’un état clinique figé, mais plutôt un outil dynamique favorisant la compréhension, le dialogue et l’amélioration continue des soins.
Bref, je vous invite à consulter cette étude par le biais de la bibliothèque de votre établissement de santé ou scolaire.
📸 Photo de - landsmann - sur Pexels
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